A l’approche de Noël, ils sortent de leurs cartons et du papier bulle qui les entoure précieusement. Les enfants les regardent avec admiration tandis que les parents les manipulent avec précaution. Des dizaines de santons forment autour d’une étable un ensemble aux couleurs de la Provence. Laissez-moi vous conter l’histoire de ces petites figurines de terre cuite qui ont fait la renommée de la région.
Les premières crèches
Selon la tradition, la première crèche de l’histoire est née au XIIIe siècle sous l’impulsion de François d’Assise. Même si des représentations de la scène existaient depuis les premières années du christianisme. La crèche vivante jouée par des enfants avant la messe de minuit est vite remplacée par des figurines. Figurines de bois, de carton-pâte de faïence ou de plâtre. Rien à voir avec les santons de Provence pour le moment.
Merci la Révolution !
Avec la fermeture des églises, les Provençaux sont privés de la messe de Noël et doivent se montrer créatifs. Ne pouvant contempler la crèche, ils décident de fabriquer des personnages, de petit format pour être facilement cachés si besoin. Les figurines sont alors en mie de pain. Toujours pas de terre cuite.
Le père des santouns
La légende aime à dire que Jean-Louis Lagnel, se promenant dans la campagne d’Aubagne, eut de l’argile collée à ses chaussures. L’ôtant de la main, le sculpteur de formation décide de travailler cette pâte pour créer des personnages pour la crèche. Il a surtout l’idée révolutionnaire de créer des moules pour produire ses figurines en série. Les véritables santouns, les « petits saints » en provençal, sont nés !
Dès 1808, on recense ses modèles à la Foire aux santons qui se tient chaque année à Marseille depuis 1803. Le santonnier ne réalise plus seulement Joseph, Marie, l’Enfant-Jésus, l’âne et le bœuf. Apparaissent ses voisins : le boulanger, la lavandière, ou encore le meunier, le pêcheur, le porteur de bois… Les premières figurines pouvaient être vêtues d’étoffe véritable, à la mode du XIXe siècle. Mais elles sont plus souvent peintes entièrement à la main, après sept étapes de création et de cuisson spécifiques.
Tant de symbole pour un petit bout de terre cuite
Les uns y voient l’image de la foi chrétienne transmise à travers les siècles. D’autres soulignent qu’il incarne la résistance marseillaise face aux restrictions religieuses de la Révolution. Pour certains, il permet au plus grand nombre l’accès à un objet autrefois réservé aux nobles. Pour d’autres encore, ce n’est qu’un bel objet décoratif ou de folklore. Enfin, les Provençaux y trouvent la fidèle reproduction de la vie quotidienne d’après les pastorales du XIXe siècle. Voici, en quelques centimètres, tout ce que condense un santon de Provence.
Et ils eurent beaucoup d’enfants…
Aujourd’hui, une centaine de santonniers exercent leur métier avec passion, entre Marseille, Aubagne, Aix-en-Provence et Arles. Leur savoir-faire, transmis de génération en génération, est reconnu patrimoine culturel immatériel de France. La plus vieille maison de santonnier encore en activité, la maison Fouque, date de 1934. Malgré son ancienneté, l’art du santon de Provence n’a pas pris une ride et les artisans se renouvellent chaque année.
Les personnages des premiers temps ont donné naissance à une multitude d’autres et sont désormais une centaine. Au milieu des oliviers, au bord d’un ruisseau où paissent les moutons, les santons sont de toutes les tailles. Les personnages mythiques et intemporels s’associent aux personnages ancrés dans la réalité. Pour la pérennité de cet artisanat d’art : le joueur de rugby et la grand-mère aux confitures côtoient le plus célèbre santon de France, le « Coup de Mistral ». Modèle Fouque déposé en 1952 et qui fait entrer les crèches dans l’ère du mouvement : la Nativité n’a jamais été aussi moderne.
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