Aujourd’hui direction Arras où je vous prie de vous arrêter un instant devant le numéro 32 de la place des Héros. Ne vous attardez pas à cette façade pourtant classée Monument Historique mais, sous les arcades, pénétrez dans ce corridor coloré. Vous êtes Au Bleu d’Arras. Un nom qui semble banal pour une échoppe dont la porte en bois est peinte de cette teinte qu’on dit être celle des rois. Et pourtant, le lieu est chargé d’histoire. Derrière son comptoir, tablier autour de la taille et main à la pâte, une femme vous accueille avec un large sourire : elle est la dernière maître d’art d’un savoir-faire inventé dans la ville au XVIIIe siècle, une technique de peinture sur porcelaine qui porte le doux nom de « bleu d’Arras ».
À la mode de chez nous
Remontons un peu le temps. À Arras, en 1770, quatre demoiselles, Louise, Marguerite, Robertine et Constance Delemer sont marchandes de faïences. Ce sont les débuts d’une mode croissante pour la porcelaine. Mais la fabrique de Limoges est encore balbutiante ; les Belges et les Saxons en vendent à prix d’or : pour éviter de s’approvisionner à l’étranger, les sœurs Delemer fondent leur fabrique pour répondre à la mode à moindre frais.
L’ensemble de la chaîne de production est réalisé sur place : broyage de la matière première, tournage, modelage, moulage, cuisson et surtout peinture. Le bleu profond de la peinture rehausse la blancheur des porcelaines de motifs géométriques ou floraux, comme le motif Monsieur de Calonne, le plus typique de la région, inspiré des dentelles que portait alors l’intendant de la province d’Artois. L’entreprise prospère, soutenue par l’apport financier des Etats d’Artois, emploie 8 ouvriers et 12 manœuvres et acquiert une certaine renommée. Cependant, âgées et sans héritiers, les demoiselles décident de fermer leur entreprise en 1790.
Le renouveau du bleu d’Arras
Henri Caudron est un historien passionné de l’histoire arrageoise. Ayant redécouvert la technique du bleu d’Arras, il décide de la faire revivre, aidé par des collectionneurs, qui la font reconnaître comme objet d’art. À l’aube du XXe siècle, monsieur Caudron fait venir des artisans du Portugal, qui possèdent le savoir-faire de la peinture sur céramique : grâce aux recherches historiques et archéologiques, les artisans reproduisent les modèles créés plus d’un siècle auparavant.
Henri Caudron prend alors en apprentissage un jeune homme de 17 ans, Maurice Segard. Après 20 ans passés dans l’entreprise, ce dernier fonde à son tour, en 1998, sa propre entreprise, qu’il baptise du nom de la technique utilisée, Au Bleu d’Arras. Lorsque la fabrique Caudron ferme ses portes, il reste le dernier dépositaire du savoir-faire unique.
Il faut sauver le soldat d’Arras
En 2017, Maurice Segard, atteint par l’âge, cherche un repreneur. C’est alors que se présente à lui une dessinatrice en arts appliqués, spécialiste de la décoration sur céramique, Christelle Perrier. Cette artiste tombe sous le charme d’une technique qu’elle n’a pourtant jamais étudiée au cours de ses études. Maurice Segard la forme et Christelle Perrier reprend Au Bleu d’Arras.
Elle est aujourd’hui “fière de défendre un patrimoine, un savoir-faire, une exclusivité”. Elle allie tradition avec cette décoration au bleu de cobalt grand feu et modernité avec des motifs variés. Vous pouvez y flâner et retrouver un large choix d’assiettes, plats, tasses, bijoux, objets de décoration et autres gadgets personnalisés.
Cher lecteur, vous pouvez vous former auprès de cette artisan d’art pour perpétuer une tradition vieille de plusieurs siècles.
Au bleu d’Arras
32, place des Héros à Arras
03 21 71 17 88