Ce 14 juin 1856, la France tout entière célèbre le baptême d’un enfant de moins de trois mois : le fils de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. L’acte religieux est l’occasion de grandes festivités dans l’ensemble du pays, spécialement à Paris. Pendant trois jours, l’éclat de la puissance militaire et diplomatique retrouvée de la France éblouit l’Europe entière.
Des invités triés sur le volet
Dans Notre-Dame de Paris méconnaissable, entièrement aménagée et décorée par les soins de l’architecte fétiche de l’Empire, Eugène Viollet-le-Duc, la cérémonie religieuse se déroule en grande pompe. Pourtant, nul ne s’attarde sur le parvis de la cathédrale : en cortège, les invités se rendent jusqu’à l’Hôtel de Ville, tandis que le nouveau baptisé regagne le palais. Au pied de l’imposant escalier d’honneur, le couple impérial est accueilli par le préfet de la Seine, le célèbre baron Haussmann et le président du conseil municipal de Paris, Claude-Alphonse Delangle. Ce sont eux qui ont orchestré la cérémonie qui va suivre en l’honneur des souverains.
Les convives, pas moins de 480, prennent place dans la splendide galerie des fêtes. Aux côtés des ministres, des hauts fonctionnaires, des officiers, des membres du corps municipal ou des représentants des corps intermédiaires, s’alignent le corps diplomatique ; les ambassadeurs d’Angleterre, d’Autriche, d’Espagne, de Turquie côtoient les représentants de la Prusse, de la Sardaigne ou du Piémont ainsi que les prélats et membres du haut clergé ; une place d’honneur, à droite de l’impératrice, est réservée au représentant du Pape. Par-dessus tout, rois, reines, princes et princesses se pressent au festin : la reine mère d’Espagne Marie-Christine, le prince Oscar de Suède et de Norvège, les membres de la famille impériale comme la princesse Mathilde et son père, le roi Jérôme, dernier frère de Napoléon Ier, et une foule d’autres membres de la noblesse française et étrangère.
Un somptueux décor
Au centre de la galerie, la table impériale se dresse sur une estrade et accueille une vingtaine de privilégiés. De chaque côté, les autres invités prennent place sur des tables présidées par les maîtres de cérémonie de la soirée. La fine porcelaine de la vaisselle resplendit sous la lumière des 3 600 bougies qui éclairent la salle. Des vases richement décorés, dessinés par la prestigieuse manufacture de Sèvres, accueillent des fleurs rares aux parfums envoûtants. Au milieu des tables, à intervalles réguliers, des ceps de vignes, des cerisiers couverts de cerises, des figuiers nains : l’abondance du décor souligne celle des mets.
La France dans les assiettes
Devant les invités, les plats sont disposés par séquence, selon la tradition du service à la française. Le menu en ferait tourner la tête de plus d’un : trois potages, deux relevés, huit entrées, des sorbets italiens, cinq rôts (c’est-à-dire les mets rôtis), quatre entremets puis une farandole de desserts, fruits et pâtisseries. L’ensemble propose un merveilleux tour de France de produits locaux : les truites viennent du Rhin, les moutons des Ardennes et le homard se fait à la sauce d’Aix. De même le filet de bœuf est cuisiné à la provençale et les truffes sont au champagne tandis que les crèmes sont à la Chantilly.
Le tout accompagné de vins qui reflètent l’excellence française : des bordeaux aux champagnes en passant par les bourgognes, ce sont autant de Clos Vougeot, Chambertin, Saint Emilion et autre château d’Yquem qui régalent les hôtes de marque de cette cérémonie impériale. Le dîner s’accompagne d’un concert depuis la tribune surplombant la galerie et se poursuit par l’illumination des jardins aménagés pour l’occasion devant l’Hôtel de Ville.